Cette époque couvre 800 ans de l'histoire de l'occident et le terme de "musique médiévale" désigne aussi bien la musique religieuse depuis les premières musiques chrétiennes que la musique profane.
Le mot profane désigne l'inverse du sacré, il signifie ici tout ce qui ne relève pas de la religion.
Les compositeurs (troubadours et trouvères) étaient avant tout des poètes-musiciens: ils chantent leurs poésies en s'accompagnant (ou pas) d'un instrument, ou bien se font accompagner par des musiciens (menestrels).
Leurs compositions musicales ne sont pas écrites, et ne nous sont pas parvenues.
Les instruments sont d'ailleurs encore rudimentaires et on les utilise surtout pour les fêtes, défilés, tournois et surtout les "danceries" (sortes de bal).
La notion de concert n'existe pas. La musique n'existe
qu'à travers sa fonction.
Les mots « trouvère » et "troubadour" sont issus d'un verbe latin populaire tropāre: « composer, inventer un air » d'où « composer un poème », puis « inventer, découvrir ». En effet, les trouvères, comme les troubadours, sont des poètes-compositeurs.
Les troubadours sont des poètes occitans, qui ont développé l'art du chant courtois, entre 1000 et 1350, soit 8 à 10 générations. Il nous reste les noms de 450 troubadours et plus de 2500 chansons.
Ils sont en général des personnes de haut rang. Leurs œuvres sont colportées par les ménestrels.
Les plus anciens témoignages sont le duc d'Aquitaine Guillaume IX, résidant à Poitiers, et son vassal, le vicomte Eble de Ventadour entre lesquels régnait une sorte de "guerre de prestige" (une cour vicomtale (Blaye, Ventadour, Béziers,…) dépendant par lien vassalique d’une cour plus puissante (Poitiers, Toulouse…), pouvait néanmoins rivaliser avec elle sur le plan du rayonnement artistique et intellectuel).
Plus tard, les Gascons Cercamon et Marcabru, Le "prince de Blaye" Jaufré Rudel. Plus tard encore, Bernart Marti, Bernart de Ventadour, Guiraut de Bornelh, Peire Vidal, Arnaut Daniel, Raimbaut de Miraval, des femmes également, les trobairitz, comme une comtesse de Die, ou la dame Na Castelloza, jusqu'au « dernier des troubadours », Guiraut Riquier de Narbonne..., mais pas vraiment, si on compte l'activité, jusqu'en 1350, de poètes toulousains, regroupés dans le « Consistoire du gai savoir », qui écrivirent les règles d'un art qui ne leur survécut pas.
La Croisade des Albigeois, déstabilisa l'Occitanie, appauvrit les cours, déplaça peu à peu l'art vers les villes et maisons bourgeoises, et changea les sujets poétiques vers le religieux, le politique. Les artistes eux-mêmes furent attirés par l'Espagne et l'Italie.
Les trouvères, sont les poètes, qui au nord de la Loire adaptent le chant courtois, vers la fin du XIIe siècle. On connaît les noms de 200 trouvères (Gace Brulé,
Blondel de Nesle, Conon de Béthune, etc.). En Allemagne, on les nomme les minnesingers.
Le mot "menestrel" vient du latin ministerialis «fonction de serviteur, service» dérivé de minister «serviteur», «chargé d'un service». En ancien français: «serviteur,
artisan».
Le ménestrel ou « ménestrier » était parfois un vaurien, comme tous ces amuseurs venus d'on ne sait où. Les ménestrels se distinguent à la fois des simples jongleurs (plutôt mimes ou acteurs qui divertissent les gens sur les places publiques), et des trouvères (qui sont des auteurs et compositeurs).
Au xive siècle, le ménestrel est un joueur d'instrument de musique, généralement « bas instrument » ou instrument à cordes, guiterne ou harpe, plus rarement « instrument de bouche » (instruments à vent), spécialité des hérauts de la chevalerie. En somme, le répertoire du ménestrel n'est pas la fanfare, mais la musique douce, la chanson sentimentale et courtoise.
À Paris, les ménestrels constituent une corporation fondée en 1321 et enregistrée en 1341: la Ménestrandise.
La ménestrandise (ou ménestrandie) est un terme qui désigne le métier de musicien jusqu'au XVIIIème. Cette corporation possédait sa rue et sa chapelle, Saint-Julien-des-Ménestriers, où la transmission du savoir se faisait naturellement de façon orale de maître à élève.
Elle fut détruite pendant la Révolution.
Le chef de cette corporation portait le titre de roi ; ce titre, devenu celui de « roi des violons », subsista jusqu'en 1773. Les ménestrels étaient, à l'origine, les serviteurs des troubadours qu'ils accompagnaient sur la viole, la vielle ou la harpe. Ce furent aussi des poètes et des chanteurs qui n'avaient pas d'ascendance noble (en principe, les troubadours étaient pour le moins chevaliers). Les rois de France des xive et xve siècles entretinrent de véritables troupes de ménestrels, et nombre de princes les imitèrent.
Les ordonnances royales veillent à ce que le métier soit correctement exercé et censurent les chansons qui se moqueraient du roi, des nobles ou de l'Église. Les riches bourgeois et les princes les invitent à leur hôtel.
Mais les cours royales et princières ont voulu s'attacher des ménestrels en leur offrant un emploi à gages (en les salariant). Cette nouvelle stabilité les oppose aux bateleurs et aux jongleurs qui disposent quant à eux d'une plus grande liberté. Les ménestrels de cour ont joué un grand rôle dans la définition et la diffusion des diverses écoles musicales et poétiques. Venus d'Angleterre, d'Allemagne ou de Lombardie, ils se rencontrent aux grandes fêtes où ils rivalisent de talent.
Mais les « chapelles » du xve siècle marquent peut-être la fin d'un idéal et d'un métier.
Les chapelles - musicales- sont des "écoles de musique" -vocale - pour
l'office religieux: elles marquent en quelque sorte le début officiel des métiers de "compositeur", "professeur de musique", "chef de choeur", autant de tâches qui sont à la charge du maître
de chapelle.
(voir ci dessous "Musique religieuse")
Lorsqu'en 789 Charlemagne décide d'unifier l'Eglise autour du rite romain, il impose la pratique du chant grégorien, et donc l'apprentissage des psaumes et du chant.
Le chant grégorien constitue la base de la musique savante occidentale. C'est un répertoire de chants religieux monodiques, chantés à cappella, à l'unisson par des voix d'hommes.
Ce répertoire issu du premier répertoire de chants de l’église chrétienne a été établi par le pape Grégoire le Grand au VIIème siècle.
Charlemagne impose également l'enseignement du calcul et la grammaire (d'où cette "invention de l'école").
Le clergé doit donc enseigner et assurer la célébration des offices religieux.
Cette décision politique va déclencher une série d'innovations décisives pour l'art musical en général: l'invention de la notation musicale, le formation des chanteurs et surtout la polyphonie.
Il existe des essais de notation de la musique datant de l'antiquité, mais la mise en forme d'un système permettant de noter la hauteur et la durée s'est développée durant le Moyen Age.
La musique chrétienne s'était jusqu’alors transmise par tradition orale, mais on décide que toutes les églises doivent résonner des mêmes chants
A partir du VIII, IXème s. elle sera notée en « neumes ».
Les neumes, de "pneuma", "souffle", sont des signes graphiques, qui renseignent l'exécutant sur le sens que doit prendre la ligne mélodique. Placés au-dessus de chaque syllabe du texte, les neumes s'apparentent aux signes de ponctuation de notre écriture.
Les neumes toutefois ne renseignent ni sur la hauteur relative des sons ni sur le rythme de la mélodie. Il s'agit de signes mnémotechniques qui s'adressent à des exécutants qui connaissent déjà la mélodie qui continue d'être transmise par voie orale.
Autour de l'an mille, on utilisera une ligne repère pour désigner un son de base, et d'autres lignes s'ajouteront pour donner la portée.
Au XIe siècle, le moine Guido d'Arezzo dans son "Micrologus de musica" expose ses théories sur l'écriture des sons. Ce traité restera une réference jusqu'au XVIème s.
Il est surtout connu pour avoir utilisé l'Hymne de Saint Jean-Baptiste, pour nommer les notes.
UT queant laxis
REsonare fibris
MIra gestorum
FAmuli tuorum
SOLve polluti
LAbii reatum
Sancte Iohannes
Afin que puissent
résonner dans les coeurs détendus les merveilles de tes actions, absous l'erreur de la lèvre indigne de ton serviteur, Ô saint Jean.
Le système de Gui d'Arezzo, l'hexacorde, reprend l'exemple donné par Hucbald de St-Amand dans son traité du IXe s. où une mélodie est notée sur une portée de 6 lignes représentant les 6 cordes d'une lyre (ou une cithare) accordées selon les intervalles 1T 1T 1/2 1T 1T (c'est à dire le début de notre gamme do, ré etc.)
Au XIIe siècle, l'écriture musicale connaît une importante évolution avec le remplacement du roseau par la plume d'oie. La pointe de la plume laisse une trace carrée (ou en losange) qui se substitue au système des neumes.
Avec les débuts de la polyphonie s'impose la notation précise des durées, pour que les voix soient "calées" entre elles.
Les disciples de Pérotin qui introduiront les premières innovations qui seront à l'origine de la "nota mensurabilis" ou notation proportionnelle.
Francon de Cologne (ou de Paris), maître de chapelle et chapelain du pape, écrit vers 1280 le traité Ars cantus mensurabilis qui introduit la notion de temps dans la musique, ce qui l'oppose au cantus planus du chant grégorien, qui lui reste non-mesuré.
Au moyen âge s'est développée cette idée que le concepteur musical était plus important que le praticien. En clair: que celui qui pense la musique est celui qui sait tandis que celui qui chante ou joue n'est qu'un exécutant sans réflexion.
Cette idée prend ses racines dans la Grèce antique: comprendre les rapports entre les intervalles renvoyait à la
compréhension de l'harmonie du monde et de toutes choses.
De nos jours la compréhension des "choses musicales" (et donc du fameux solfège) reste encore quelque chose de
réservé à une minorité.
Le christianisme est l'axe essentiel de la culture médiévale, un second axe important étant constitué par l'héritage de l'antiquité gréco-latine. Le principal devoir de l'être humain est la louange divine, à elle doivent tendre tous ses efforts et toutes ses aspirations.
Selon le voeu de Charlemagne, dans toute l’Europe catholique, les monastères deviennent les premiers lieux d’enseignement de la musique(plus particulièrement du chant). A coté de cathédrales se développent des maîtrises de petits chanteurs qui resteront les seuls lieux de l'enseignement de la musique jusqu'à la révolution. Rattachées aux cathédrales, prieurés ou abbayes ces maîtrises sont de véritables conservatoires, avec trois fonctions essentielles: une formation complète, musicale et générale pour chaque jeune chanteur, la diffusion (les maîtres assurent les services religieux), et la création
(les chanteurs - les chantres- sont aussi formés à l'écriture et deviennent copistes et compositeurs - certains sont initiés à la pratique d'un instrument-).
La liturgie de l'office comme celle de la messe - revêt un aspect constamment chanté; dans un style plus ou moins orné ou sur une mélodie simple ou encore selon le procédé de la "récitation musicalisée" en usage pour les lectures et prières: l'apprentissage du futur moine ne peut qu'accorder une large place à la musique.
Charlemagne, dans son Admonitio generalis de 789, situe le chant au premier rang des matières à enseigner dans les écoles «les psaumes, le solfège ("notas"), le chant» viennent avant le "comput" (calcul des fêtes mobiles dans le calendrier) et la grammaire
Un enfant devait retenir de tête tout le psautier (plusieurs centaines de prières), en latin. Il devait donc dans le même temps (2 à 3 années) apprendre et maîtriser cette langue. Ensuite venait la lecture en public. Tenue corporelle et intonations juste étaient de rigueur.
Puis on passait à l'apprentissage des chants de la messe (plusieurs centaines) par mimétisme.
La mémorisation imposait un labeur pénible et assidu tant pour le maître que pour l'élève; un véritable bourrage de crâne.
Guy d'Arezzo, moine bénédictin de la première moitié du 11e siècle est l'un des noms les plus glorieux de toute la pédagogie musicale ; ses inventions font de lui le créateur du solfège, au sens précis du terme, et l'un des plus grands théoriciens du Moyen Age.
On lui attribue l'invention de l'usage de la main pour retenir les hauteur de chacune des notes: "la main guidonienne" (mais la main était déjà utilisée
pour toutes sortes d'apprentissages).
Il eut aussi l'idée d'échelonner les lignes en tierces (intervalle en 3 notes de la gamme), et de placer les notes entre les lignes et sur les lignes. Quatre lignes suffisent pour noter les mélodies liturgiques, et des couleurs différentes, jointes aux clefs, indiquent les intervalles.
La mélodie pouvait ainsi être déchiffrée ou remémorée sans le secours de l'enseignement oral. La durée d'apprentissage était passée de dix à deux années