BLUES URBAIN

Le BLUES: "...bien plus qu'un simple style musical (...) plutôt une approche globale du quotidien"

"Le bluesmen est nécessaire à la communauté mais il est aussi d'une certaine manière en dehors d'elle, ne s'intégrant souvent qu'au monde crépusculaire des tavernes et des maisons de passe, vivant vite, brûlé par les éxcès (...) Le blues est à la fois extérieur et interieur. Il procède d'un "mal d'être" brutal parce que fondamental, basique, incontournable. Il est aussi agression extérieure, si puissante que le blues se personnalise et prend vie"

Andre FANELLI  Le blues - Jazz Hot Encyclopédie/ L'Instant- octobre 1989

 

 

 Du brassage entre les traditions africaines, largement tribales, où la musique et la danse font partie intègre de la vie quotidienne et les conceptions classiques occidentales de la musique va surgir une façon de faire de la musique qui prendra diverses formes: le blues, et le jazz pour les plus connues. Mais on peut aussi citer les musiques populaires de l'Amérique du sud.

Le blues apparait après la guerre de sécession et l'abolition de l'esclavage comme l'expression la plus authentiquement afro américaine, puisant ses caractéristiques formelles dans le chant de travail et son inspiration dans la vie quotidienne de la population noire qui subit la ségrégation.

 

Depuis la guerre de sécession la population noire a doublé et les quelques 8 millions d'individus cherchent du travail. Un bon nombre d'entre eux n'ont pas d'autre choix que de retourner travailler pour leurs anciens maîtres, ou de rejoindre les grandes cités industrielles du Nord. De plus , en 1917, l' Amérique s'étant engagée dans la première guerre mondiale; la Nouvelle Orléans devient port de guerre et Storyville, le quartier du jeu, d'alcool et de la prostitution de la Nouvelle Orléans est fermé (une ordonnance du 6 juillet 1897 interdisait toute prostitution en dehors de ce quartier).

Commence alors l’exode de nombreux musiciens et anciens esclaves du sud vers le nord (près de 2 millions jusqu’en 1940). 

 

Les musiciens se retrouvent dans des ghettos à la périphérie des villes et joueront le blues à plusieurs : un minimum d’organisation va alors s’imposer et le blues adoptera sa structure métrique et harmonique moderne.

Structure du blues:

(les courbes bleues représentent la partie chantée)

En 1920 Mamie Smith enregistre « Crazy blues » (Okeh records) qui sera un succès commercial. Ce sera le début du "Classic Blues"; (blues féminin) à savoir des chanteuses de blues accompagnées par des musiciens. Citons en quelques unes:

Jusque dans les années 60 l’industrie du « race record » (disques destinés à la population noire) va prospérer. Paramount, Victor, Okeh entre autres labels, envoie ses employés dans le sud : les ingénieurs du son s’installaient dans des chambres d’hôtel, des églises, des entrepôts, des salles de banquet et d’autres lieux de fortune et le bouche à oreille faisait le reste: on enregistrait les meilleurs (au jugé...).

Les musiciens urbains ont dû, pour se faire entendre, abandonner la guitare acoustique.

Le blues urbain sera pour beaucoup d'artistes de blues rural une affaire d'adaptation. Il se  jouait alors autant au piano que sur des guitares, avec parfois des sections de cuivres.

 

Clara SMITH, Ida COX, Lucille BOGAN, Martha COPELAND, Trixie SMITH

Le syndicat du crime a joué un rôle important à cette époque: les orchestres noirs (blues et jazz) étaient embauchés par les gangsters pour leurs lieux de divertissement, dont le plus célèbre est le "Cotton Club" à New York.


Memphis

Située sur le Mississipi, Memphis est la plus grande ville de l'état du Tennessee. Elle est grand centre d'échanges et une sorte de carrefour des états du Sud.

 

Au début du siècle, des orchestres constitués de cloches de vache , de jarres de whisky dans lesquelles on souffle, de kazoos, de peignes, harmonica, washboard, "contrebasse-manche à balai" et tout autre objet ou instrument de musique se produisent la nuit dans les lieux de fête  et de divertissement, ce sont les "Jug Band"

dont le plus connu reste le "Memphis Jug Band".

La musique des "Jug Band" empruntait à une grande variété de musiques: folklores de toutes sortes, musiques de danse, mais toujours avec ces syncopes propres au style afro américain.

Les "string-band", sont surtout duos de guitare auxquels s'adjoignent parfois banjo et mandolines.

La structure du blues va alors s'établir.

Le blues de Memphis est surtout représenté par Furry Lewis et son jeu au bottleneck., Frank Stokes, Memphis Minnie , Sleepy John Este

Après la deuxième Guerre Mondiale, les cabarets de Memphis voient l'apparition du blues électrique et l'on découvre alors des grands artistes toujours réputés comme Sonny Boy Williamson et Howlin' Wolf, Willie Nix.

 

Saint Louis

Saint Louis n'a pas la notoriété de villes comme Chicago en matière de blues, mais constitue un élément important de la "route du blues"

Située à l'intersection du Missouri et du Mississipi, la ville a été une étape dans la migration des noirs.

Avec l'arrivée massive de ces travailleurs dès 1917, ce sera d'abord le blues rural venu des états du sud qui va cohabiter avec le blues au piano dans les "barrelhouse", puis viendra son évolution vers le blues urbain.

Les meilleurs représentants de ce style, où la guitare peut improviser librement, sont Lonnie Johnson,  Walter Davis,  Leroy CarrScrapper Blackwell

Chicago

Chicago s'est dotée de studios d'enregistrement, et les opportunités de jouer sont nombreuses.

Grand centre industriel du début du siècle, la ville est devenue centre culturel.

La compagnie Paramount y faisait venir dans les annés 10' des bluesmen comme Blind Lemon Jefferson pour les enregistrer.

Le style Chicago blues apparaît en fait dans  les années 30. Le producteur  Lester Melrose (considéré comme un fondateur du style chicago blues) fait enregistrer pour RCA, Bluebird, Victor, Columbia un grand nombre d'artistes aux styles différents tels Big Bill Bronzy, Big Joe Williams, ou encore Muddy Waters avec une session rythmique sur place.

Sur la base du Delta blues (guitare et harmonica) va se construire progressivement une orchestration avec basse, batterie, piano et parfois section de cuivres. C'est ce qui sera adopté par les formations de rythm n'blues et rock n'roll dès les années 50.

Le jeu des guitaristes va considérablement de perfectionner (les solos de guitare sont très fréquents) et va inspirer bon nombre de musiciens anglais dès les années 60.

Artistes du Chicago blues:

Arthur "big boy" Crudup

Muddy Waters

Big Joe Williams

Buddy Guy

Elmore James

Freddie King

Artistes du Chicago blues (suite)

Luther Allison

Magic Sam

Willie Dixon

J.B. Lenoir

John Primer

Little Walter

Tampa Red


ATLANTA

La Georgie est un vaste État qui fait un peu tampon entre le vieux sud et le sud profond. Sa capitale, Atlanta, a été pendant longtemps une des rares grandes villes du Sud des États Unis. Elle abritait donc des théâtres populaires et des Music Halls où on pouvait entendre des artistes de variétés, des troupes de vaudeville ou même des tournées de musiciens et danseurs hawaïens. Un blues à la coloration particulière s'est développé à Atlanta, mélangeant avec bonheur les traditions de la côte Est, celles du Delta avec nombre d'influences des airs de vaudeville, de la country music naissante ainsi que les sonorités de la guitare Hawaïenne. Blind Willie Mc Tell et Kokomo Arnold sont des figures dominantes du blues d'Atlanta.

TEXAS

Peuplé de mexicains à l'origine, le Texas a abrité (et abrite encore) une tradition de chanson hispanique et de musique dérivée de l'Andalousie qui a fortement marqué le blues de cette région. Celui-ci, sombre et introverti, est souvent aussi plein d'humour et d'autodérision. Sur le plan musical, l'usage de figures d'arpèges et de techniques guitaristiques directement issues du flamenco donne au blues texan une coloration très particulière. Malgré un racisme et une ségrégation féroces, le Texas a aussi été un lieu très fructueux d'échange entre musiciens blancs et noirs, donnant des styles de musique populaires très attachants comme le Western Swing. Nous citerons Blind Lemmon Jefferson et Texas Alexander comme les pères fondateurs du blues texan.


Depuis, le blues existe toujours, il adonné naissance au boogie woogie, au rythm n'blues et au rock n'roll, les jazzmen et les rockers le jouent sans fin...et de nombreux festivals continuent d'attirer des milliers de personnes tant aux USA qu'en Europe.