La musique représentait pour les esclaves une occasion de sortir pour un moment de la triste condition dans laquelle ils étaient, d'adoucir leurs conditions de travail (work song) d'espérer en une vie meilleure (spirituals) et aussi de se retrouver lors ces fêtes autorisées par les blancs (les fameux "pinkster" - pour pentecôte - pendant lesquelles ils se déguisaient et jouaient et dansaient des jours durant).
Pour un certain nombre d'entre eux cela a été aussi une façon de s'émanciper, de gagner leur liberté en s'intégrant dans la société ( Newport GARDNER).
D'ailleurs bon nombre de maîtres blancs encourageaient leurs esclaves à la pratique de la musique, leur faisant même étudier. Les danses de l'époque (quadrille, marche, polkas...) étaient très prisées, il fallait donc du personnel musicien, et certains esclaves étaient par exemple vendus pour leurs qualités musicales.
Par ailleurs les noirs évangélisés chantaient les cantiques à l'église en compagnie de leurs maîtres blancs dans un premier temps et leur interprétation va donner naissance aux "spirituals" puis au "gospel".
Les esclaves imitaient les musiciens blancs et parvenaient à reproduire ce qu’ils entendaient, pour le plaisir des maîtres mais aussi pour se moquer ("le cake walk").
Certains ont eu l'occasion d'exercer le métier de musicien dans des "string band" qui animaient toutes les occasions, fêtes locales, pique nique ou événement
sportif. Il y avait aussi les "minstrels show" (voir ci dessous) que certains musiciens noirs reprirent à leur compte après l'abolition de l'esclavage, tels W.C. HANDY et Bert WILLIAMS ou Ernest HOGAN mais aussi Ma RANEY ou encore Bessie SMITH et Ethel WATERS.
A la Nouvelle Orléans, on avait un orchestre symphonique constitué de musiciens noirs, et à théâtre New York , certains spectacles de music hall étaient également assurés par des artistes de couleur.
Mais toutes ces musiques étaient des musiques "blanches" destinée à un public blanc.; on utilisait la cadence plagale (enchaînement d'accords au caractère solennel, fréquemment utilisé dans la musique religieuse occidentale) et on y ajoutait une syncope (note accentuée en dehors de la pulsation) de temps à autre pour donner le "ton ethnique".
Bessie Smith, Elizabeth Taylor Greenfield, Ernest Hogan, Ethel Waters
 propos de Charley Patton
Mimétisme, cake walk, auto dérision, ragtime et blues.
Ragtime
Leur interprétation syncopée commençait à fasciner (voir ci contre le "cake walk") et le ragtime (littérallement"temps déchiré") apparaît vers 1897 (date des premières publications du genre). Vivante, joyeuse et syncopée, la musique ragtime est le plus souvent pour piano, mais peut être jouée aussi par des orchestres ou des instruments à cordes.
Cela prend la structure des musiques traditionnelles de l'époque (valses, marches, etc), mais toujours avec cette caractéristique du rythme syncopé, rythme déjà présent dans les "cake walk"
Un des artistes de ragtime les plus célèbres est Scott Joplin
Scott Joplin écrit en 1911 un opéra en 3 actes: "TREEMONISHA".
D'après James Lincoln Collier ( L'Aventure du Jazz chez Albin Michel) le livret est faible et la musique sans grand intérêt. Personne ne voulait de cet opéra, et Scott Joplin le fit jouer jouer à ses frais en 1915 à Harlem: juste un piano et des chanteurs : aucun applaudissement! . Finalement Treeshomina fut créé en 1972 au Memorial Arts Center d'Atlanta puis à Broadway en 1975.
Minstrels Show
Les "Minstrels
shows" apparus en 1820 étaient des spectacles comiques mêlant danses et chants, interprétés par des artistes blancs qui se noircissait le visage pour mimer les
noirs.
Après la guerre de sécession, des artistes noirs ont également pratiqué les "mInstrels"
Entre 1880 et 1920, les "coon song" (chanson de nègre) ont été très populaires à la fin XIXème. Le noir américain y est décrit de façon dégradante et inacceptable de nos jours mais ces chansons témoignent d'une façon de voir le noir américain qui était la norme à cette époque.
Cake Walk
Une danse inventée par les noirs vers 1870: le "cake walk" . Les noirs imitaient (avec
ironie) les blancs dansant leurs danses de salon (quadrilles, menuets) et c'est cette imitation en forme de marche, ponctuée de syncopes qui prendra le nom de "cake walk" (parce
que les maîtres récompensaient parfois les meilleurs danseurs d'un gâteau)
Cette danse sera intégrée aux spectacles de Music Hall et aura un grand succès aussi en Europe dès 1900.
String Band
Entre 1850 et 1914 environ, les orchestres de musiciens noirs sont constitués essentiellement d'instruments à cordes. Ils jouent tout ce qui se joue à l'époque: air d'opérette, quadrilles, répertoire des minstrels, ballades, voire des "rag"...
BLUES RURAL
Le blues rural apparaît après l'abolition de l'esclavage.
Cette période est plus cruelle encore pour les anciens esclaves. Les blancs craignent leur émancipation et tentent de s'y opposer. Les décisions du gouvernement pour l'égalité des droits entre population noires et blanches manquent de fermeté et chaque état fait à peu prés ce qu'il veut.
La ségrégation s'installe.
Dans le sud d'anciens officiers sudistes fondent en décembre 1865 le KLU KLUX KLAN.
Après deux siècles d'interpénétration des deux cultures noires et blanches, le blues sera l'expression d'une communauté repliée sur elle même, une musique d'exclus, de pauvres qui se réfère plus fortement à la tradition africaine, fondée sur l'expression orale et musicale africaine. Le blues est l'affaire d'un chanteur seul, faisant partie de communauté noire sans y être vraiment; une sorte de griot en errance qui s'adresse à ses frères, allant de camps de travailleurs à d'improbables "juke joint" pour gagner sa vie.
Le blues
rural, ou encore Blues du Delta (sous entendu le delta du Mississipi), encore appelé country blues, folk blues, blues traditionnel: "blues acoustique".
Le blues est d'abord une structure poétique, qui bien que largement improvisée est relativement stable fondée sur le principe du chant responsorial: une première phrase est chantée à laquelle répond une phrase instrumentale, puis on reprend la même phrase
et sa réponse instrumentale. Enfin on conclut avec une troisième phrase, elmle aussi suivie d'une réponse instrumentale.
La structure musicale (nombre de mesures, d’accords, etc) n’est pas réellement fixée. C’est la période du blues rural, ou encore Blues du Delta (sous entendu le delta du Mississipi).
Les origines du blues sont incertaines. Il s'agit d'une musique de tradition essentiellement orale dont les évolutions n'ont pas été consignées.
La naissance du blues correspondrait à l’éclosion des désillusions de la population noire après l’abolition de l’esclavage ainsi qu’aux errances et mouvements de ce peuple pour quitter le sud vers les régions industrialisées des États-Unis.
C’est d’abord un chanteur seul accompagné de rythmes improvisés sur ce que l’on trouvait (percussions sur des objets du quotidien).
Ce chanteur était souvent un travailleur migrant qui suivait le rythme des récoltes ou des camps de bûcherons et des villes qui se construisaient. Il se produit aussi dans les « juke joint », sorte de débit de boissons où l’on danse, et on joue, réservés aux gens de couleur sur les chantiers ou en périphérie de la ville.
Dans de nombreuses régions le blues était considéré comme la musique du diable, y compris par certains noirs eux mêmes ; on y parle de tous les faits , misères et joies de la vie, y compris la sexualité, le jeu, etc, autant de choses condamnées par l’église…
Le terme "blues" sera définitivement adopté pour désigner cette musique lorsque en 1912 on publie le « Memphis Blues » (W.C. Handy) :
et « Dallas Blues » de Hart Wand:
Charley PATTON (né en 1881, 1887?)joue de la guitare depuis l'âge de 15 ans dans les strings band. Après sa rencontre Henry SLOAN il deviendra un musicien très demandé, enregistrant quelques 60 faces de disques pour Paramount. Il est considéré comme le père du Delta Blues
Les principaux bluesmen de cette période (dont certains s'illustreront aussi en jazz urbain)
Son House
Skip James
Tommy Mac Lean
Elmore James
Willie Brown
Ma Raney
Bukka White
Sonny Boy Williamson II
Blind Lemmon Jefferson
Tommy Johnson
Robert Johnson
Leadbelly