HISTOIRE DU BLUES #2

Pendant plus de deux siècles, noirs et blancs cohabitent et une certaine perméabilité de cultures peut avoir lieu. Certes le noir est esclave, le racisme existe et parfois même un certain sadisme. Les maîtres blancs encourageaient leurs esclaves à la pratique de la musique pour leur propre divertissement: la danse. Et le peuple noir profitera de cette proximité d'avec la culture des blancs. Ainsi, certains esclaves seront initiés à la musique occidentale et pourront faire carrière:

Newport GARDNER, qui fonde son école de musique, Franck JOHNSON qui mène une carrière de joueur de bugle internationale tout comme la cantatrice Elyzabeth TAYLOR GREENFIELD

(exemple ici) ou encore Samuel SNAER, chef d'orchestre et le compositeur Edmond DEDE.

On peut aussi citer le violoniste Joseph WRITE  qui présente ses compositions à Boston et à New York, les chanteuses lyriques Anna et Louise HIERS, le pianiste virtuose Thomas Green BETHUNE.

Bien sûr on a aussi dans ces démarches professionnelles une volonté de se détacher de l'expression spontanée des masses noires et d'atteindre à un certain niveau "d'embourgeoisement" imposé par le colonialisme, et par là acquérir une forme de reconnaissance en créant et en interprétant des oeuvres qui répondent aux normes esthétiques européennes. La plupart de ces artistes étaient présentés comme autant de phénomènes qui rassuraient la société blanche quant à leurs préjugés raciaux. Il ne faut pas oublier que les noirs sont perçus par la majorité comme inférieurs aux blancs : ils ne deviennent intéressants que lorsqu'ils font rire ('"les minstrels show") ou lorsqu'ils essaient d'imiter les blancs.

Ici un site intéressant à ce propos.

 

WORK SONG, NEGRO SPIRITUAL

Il faut aussi mentionner  la "bamboula" : à la Nouvelle Orléans, les esclaves étaient autorisés à quelques heures de réjouissances musicales et festives dans le parc Congo (le Congo Square) lieu du marché aux esclaves, le dimanche, où la ville la ville a fait édifier un auditorium en 1920 depuis 1970, s'y tient un festival de Jazz.

Dans les autres villes, certains "pinksters" (fête de la pentecôte) pouvaient durer plusieurs jours,  et les cultes animiste et vaudou réapparaissaient, ce qui ne plaisait pas aux maîtres. On préférait les savoir au travail, ou à la rigueur à l'église.

CONGO SQUARE

E.W. Kemble: "Dance in Congo Square"

WORK SONG

Au travail dans les plantations, les esclaves chantent. L'un lance une phrase, le groupe lui répond, pendant que le geste répétitif sert de pulsation. C'est la très vieille pratique du chant responsorial ("call and repons") que l'on retrouvera dans toute la musique afro-américaine à venir. Cela les aide dans leurs tâches (15 heures de travail par jour!). Les maîtres blancs constatent qu'ils travaillent mieux et plus vite en chantant: on tolère.

Les hommes noirs emprisonnés travaillaient pour le compte des grandes firmes de l'époque.

Aux chants de travail s'ajoutent encore les "field Hollers": sorte de cri, ou courte plainte destinée à se présenter ou demander de l'eau de la nourriture, ou autre chose. C'est le fait d'un soliste, et il existait aussi des "street hollers", des marchands ambulants, à la fois cri de fierté et une façon de "chanter" le produit...

Certains esclaves seront initiés à la musique occidentale: le maître blanc aime à avoir à sa disposition des musiciens pour les événements. Par imitation, les noirs reproduisent ce que leurs maîtres aiment à entendre, mais certains suivront aussi des cours de musique.

Ils seront un peu éduqués, et christiannisés; certains maîtres tiennent à ce que leur personnel soit initié aux mœurs et coutumes qui sont les leurs.

Dans un premier temps ils prient et chantent avec les blancs, mais à leur façon, et se créent un répertoire propre.

NEGRO SPIRITUAL

 Les spirituals sont l'expression religieuse des esclaves dans les campagnes au XVIIIème siècle, et les textes font référence à l'ancien testament (récit de la bible d'avant la naissance de Jésus).

Il faut savoir que les particularités musicales du Spiritual ont été largement gommées: les chanteurs noirs usaient de toutes les possibilités de la voix et s'aidaient aussi de percussions corporelles, mais lorsque le "Fisk Jubilee Singers" se lance dans sa tournée européenne en 1871 après s'être produits devant le président des  Etats Unis, on arrange le répertoire, on simplifie les rythmes.

Les "Fisk Jubilee singers" sont des étudiants de la "Fisk University" qui se sont constitués en groupe vocal, initialement pour obtenir des fonds pour leur université.

GOSPEL

Le Gospel, plus proche du jazz et de la soul , viendra au XIXème (+ ou - 1930) dans les grandes villes industrielles et sera inspiré par le nouveau testament. (la vie du christ).

Durant les offices les chanteurs noirs introduisent divers instruments: l'orgue, mais aussi les instruments à vent, sans oublier les percussions corporelles.

Devenu très populaire dans les années 1940, le gospel prend souvent la forme d'un quartet de chanteurs : une voix basse, une autre baryton et deux voix ténor. Les mélodies sont très simples mais chantées en polyphonies improvisées, le plus souvent a cappella, mais parfois accompagnées d'instruments. Les premiers quartet seront uniquement masculins (les "male quartet") puis les quatuor(s) féminins connaîtront à partir de 1945 un grand succès.